Première leçon ❃ haïr.«
Je te hais. » C’était juste quelques mots, rien de plus. Rien de plus. Il ne me haïssait pas vraiment, n’est-ce pas ? Ce n’était pas de la haine, juste de la jalousie. Juste de la jalousie. Est-ce que cela allait détruire tout ce qui nous liait si fortement avant ? Il se trompait en me haïssait, il ne devait pas me haïr, il ne pouvait pas, impossible.
Avant qu’il me dise cela, j’étais au bord des larmes, parce que je savais déjà que ces mots allaient être prononcés. Et maintenant je pleurais lamentablement, secoué par de profonds sanglots, des gémissements misérables sortant de mes lèvres. Je n’essayais même pas de m’arrêter, je me laissais aller à ma peine. Ma peine. Etait-elle aussi forte que la sienne ? J’avais mal pour lui, j’avais mal pour moi, j’avais mal pour nous. Parce que je ne comprenais pas. Et il ne comprenait sûrement pas plus que moi ce qui nous arrivait.
C’était le destin. C’était une question de gènes. De chance. D’hasard.
C’était pourtant une histoire vieille de quelques années. Deux, trois ans. Je ne me souvenais plus de la date exacte, parce que j’avais voulu fermement oublié lorsque j’avais compris tout ce que cela impliquait. Nous avions alors huit ans, ou sept. Nous jouions dans le jardin comme d’habitude. Nous étions deux chevaliers sur de beaux destriers qui partaient à la guerre pour sauver une demoiselle en détresse. Il n’y avait pas de compétition entre nous, nous étions certains que la princesse serait assez gentille pour nous embrasser tous les deux. J’étais le moins adroit des deux, celui qui tombe toujours la tête la première dans la pelouse, mais il était celui qui ne savait pas correctement s’exprimer, celui qui s’emmêlait avec les mots. Il me rattrapait, je traduisais ses propos. Une symbiose. Et puis, ce jour-là, il y eut quelque chose que l’autre ne pouvait plus contrebalancer. L’harmonie s’était évaporée. Une fois encore j’allais m’écraser au sol, instinctivement je fermais les yeux, mais le choc ne vint pas. Au lieu de ça, je tombais sur une surface moelleuse. J’ouvris les yeux. L’herbe s’était transformée en un matelas confortable. Eberlué, je me levai rapidement, regardant mon frère, tout aussi hébété.
Ca avait commencé comme ça, aussi simplement. Il n’était pas un sorcier, j’en étais un. Cela faisait une différence, une énorme différence, qui petit à petit est devenu un fossé, jusqu’à ce qu’il me dise ces mots. Je venais de recevoir ma lettre pour Poudlard. J’avais été instinctivement heureux, mes parents aussi. Ils m’avaient chaudement félicité. Mais lui rien. Il s’était tu. Et j’avais déjà compris.
❁❁❁
«
Cesar, je sais que tu ne veux pas me parler. Mais, je ne peux pas partir sans … te dire au revoir. Cesar, ouvre la porte. Cesar ! » Je tapais dessus de toutes mes forces, mais je savais déjà qu’il n’allait pas ouvrir. J’avais tellement envie de le voir avant de partir, de le serrer dans mes bras, de dire que pour moi cela ne changeait rien, qu’il serait toujours mon frère. «
S’il te plait Cesar … S’il te plait … » Mais rien à faire, la porte restait fermée, et personne ne semblait bouger derrière. Je frappais une dernière fois, puis, résigné, je tournais des talons. Mais alors que j’allais descendre les escaliers, j’entendis la porte s’ouvrir avec fracas, et deux bras m’enlacèrent. Puis tout aussi vite, il repartit. Un sourire fragile naquit sur mes lèvres. Je partais le cœur un peu plus léger.
Deuxième leçon ❃ pardonner.« Je sais que tu m’as interdit de t’envoyer des lettres parce que tu trouves que les hiboux sont vraiment de stupides oiseaux et que ça fait vraiment louche quand il y en a un qui toque à ta fenêtre alors que tu es avec ta petite amie du moment – d’ailleurs comment elle s’appelle cette fois ? – mais j’avais vraiment besoin de t’envoyer une lettre, de te parler. Enfin, tu dois avoir l’habitude maintenant de recevoir chaque semaine une lettre … Mais c’est plus fort que moi ! Et j’en ai marre que tu me détestes pour quelque chose qui me dépasse autant que toi ! S’il te plait Cesar, ça fait deux ans maintenant, quatre ans que je te supplie d’arrêter de me haïr ou tout du moins de faire semblant. Réveille-toi Cesar ! Je suis ton frère, ton frère jumeau, la seule personne qui ne pourra jamais te détester, la seule personne qui sera vraiment ton égal. Cesar, arrête. Arrête de m’en vouloir, ça devient ridicule. Je sais pas moi … défoule toi sur autre chose ! Trouve toi une activité ! Mais arrête ça, ça va me rendre totalement fou. (…)
Bon maintenant que je t’ai suffisamment supplié, je peux enfin te raconter comment sont mes journées. (…) »
« Theo, je m’inquiète pour toi. J’ai entendu une conversation entre papa et maman. Ils étaient en train de parler du monde magique, alors je voulais partir vite fait, mais ce que j’ai entendu m’a poussé à rester pour écouter la suite. Ca n’a pas l’air d’aller là-bas … Theo, tu ne veux pas revenir ici, dis ? Je te promets de faire des efforts, de ne plus être jaloux, de t’aimer comme avant. Mais s’il te plait reviens. Je suis sûr que maladroit comme tu es, tu vas vite être une victime. La preuve, tu n’es même pas capable de faire une misérable potion. Papa m’a expliqué en quoi consister cette matière, et je suis sûr que je serais bien meilleur que toi. Enfin, cela ne doit pas être compliqué, tu es tellement mauvais dans cette matière ! Bref, Theo reviens, et c’est un ordre. »
« Dora, tu n’as pas répondu, faux frère ! Je m’abaisse à t’envoyer une lettre, et tu me snobes ? Non mais où va le monde ! Si même toi tu te mets à snober les gens … Et puis d’abord, c’est mon rôle, n’essaye pas de me le piquer, c’est moi le petit con imbus de ma personne, okay ? T’as intérêt à répondre, sinon tu peux être sur que je vais te haïr jusqu’à la fin de mes jours. Et oui, c’est bien une menace, et tu sais que je peux être têtu parfois, non pas parfois, tout le temps. Et on sait très bien, toi et moi, que ça fonctionne très bien sûr toi la menace. T’as intérêt à répondre. »
« Ca faisait longtemps que tu ne m’avais plus appelé Dora, Cesar … Je ne reviendrais pas. Je suis bien ici, et même si je sais que c’est douloureux pour toi, comme pour moi aussi d’ailleurs, c’est mon monde ici. Je suis un sorcier, Cesar, et quel homme je serais si je ne faisais pas avec les défauts de ce monde comme avec les qualités ? J’ai affreusement peur, Cesar. Vraiment très peur. Mais de toute façon on est protégé à Poudlard. Je te jure que rien ne m’arrivera. Je t’en prie, Cesar, comprends moi. »
« Ca me tue de te dire ça, mais … Je te comprend. Mais bordel, Dora, fais gaffe à tes fesses, parce que si tu meurs, je te jure que je n’irai pas à tes funérailles, parce que tu n’as pas le droit de m’infliger ça, okay ? Oh et j’ai appris que tu avais appelé ton nouveau chat, Tsar. Mon surnom. Est-ce que j’ai l’air d’être un chat ? Mon dieu Dora, parfois j’ai vraiment envie de t’étriper. »
Troisième leçon ❃ se confier.J’étais revenu pour les vacances de Noël. Nous avions tous les deux dix-huit ans, bientôt dix-neuf, maintenant et nous avions retrouvé une entente. Ce n’était pas encore le lien fort qui nous unissait avant, bien avant, mais c’était déjà ça. Et j’étais assez humble et reconnaissant pour m’en contenter, pour l’instant tout du moins. Mon frère avait beau faire le dur, il était tombé sous le charme de Tsar. En fait, mon chat aussi idolâtrait mon frère, comme moi je pouvais le faire, quand j’étais seul et loin de lui. J’avais une image si idéalisée de lui que ça faisait presque mal de le retrouver. Parce que ce n’était qu’un humain.
Pour la première fois depuis longtemps, nous étions seuls dans le jardin. J’arrachais des brins d’herbe tandis que lui, allongé de tout son long, regardait le ciel et les nuages. Soudainement, il rompit le silence qui s’était installé entre nous. «
Tu sais de quoi nous n’avons jamais parlé ? » Je le regardais, intrigué par ses paroles. Un fin sourire naquit sur ses lèvres, et je savais déjà que ses idées étaient tordues. Enfin … Ses idées étaient toujours incroyablement tordues, en même temps … «
De filles. » Je ne pus m’empêcher d’émettre un son étranglé, alors que mes joues rougissaient rapidement. Et lui, bien évidemment, éclata de rire, sûrement fier de me faire rougir à ce point. Ou alors tout simplement parce que la suite de la conversation le faisait déjà mourir de rire. Allez savoir … «
De filles ? » Il me dévisagea clairement amuser par mon attitude. Il se mit en tailleur, comme moi, et me fit face. «
Oui, de filles. Ne me dis pas que tu n’as jamais parlé de filles avec les mecs de ton dortoir ! » Je levais les yeux au ciel. Evidemment que j’en avais déjà parlé, mais c’était totalement différent d’en parler avec son frère. Trop différent et gênant. «
Tu me rassures … j’ai vraiment cru que tu étais … » Il fit un sourire espiègle. Que j’étais ? Il ne voulait probablement pas dire ça, hein ? Si évidemment il voulait suggérer tout ça. «
Si, Tsar, je suis vierge. » Il parut choqué. Et j’étais fier de moi. «
Oh mon dieu … Dora … Nan … » Et n’y tenant plus, il s’écroula, de rire. Oh génial … «
C’est bon, Tsar, calme toi. Ce n’est pas comme si c’était affreux, okay ? Je n’y peux rien si tu sautes sur tout ce qui bouge, tu as sûrement hérité de cette part. » Il arrêta de rire mais ce ne fut pas pour autant qui lâcha son sourire en coin. «
Et tu as hérité de la part féminine. Ce n’est peut-être pas de filles dont on devrait parler, mais de mecs. » Je fronçais les sourcils. Mais qu’essayait-il donc de faire ? Et surtout … Bordel mais comment savait-il ça ? «
Tu oublies souvent qu’on est frère jumeau, Dora, et si toi tu sais tout sur moi, ou presque rien qu’en me regardant, il en va de même pour moi. Et puis, franchement, tu n’es vraiment pas discret. Enfin, quoique, je peux te comprendre, Jim est vraiment devenu mignon. » Je soupirais, totalement exaspéré. «
Cesar, on peut aussi très bien parler de filles, hein. C’est juste que … » «
Que tu n’as rien contre l’un ni contre l’autre ? J’aime cette ouverture d’esprit mon frère ! » Je lui envoyais mon poing dans l’épaule pour le faire taire, mais cela eut juste l’effet de le faire rire encore une fois. «
Nan, c’est juste, que disons, je n’ai jamais essayé ni l’un ni l’autre, je suis juste … » «
Un indécisexuel. » Je ne sais pas si ce fut la façon dont il l’a dit, si sérieusement, ou si parce que c’était totalement la vérité, mais un rire nerveux sortit de mes lèvres. J’avais raison dès le début : ce n’était pas une bonne idée de parler de ça avec lui.